Fiche de lecture Philippe Meirieu Faire l'école, faire la classe
MEIRIEU Philippe, Faire l’école, faire la classe, ESF Ed, 2004
L’auteur :
* a enseigné à tous les échelons de l’institution scolaire
* a participé à la création du Conseil National des Programmes, des IUFM, la réforme des collèges et des lycées (1998-2001)
INTRODUCTION LE TEMPS DE LA SYNTHESE
Pour le 100e titre de la Collection Pédagogies dirigée par Philippe Meirieu, celui-ci tente de présenter une synthèse de la pédagogie actuelle pris en otage dans de confus débats depuis trente ans. Cet « outil de formation » fait le point sur la spécificité de l’institution scolaire et du « projet d’enseigner » pour permettre aux jeunes enseignants d’avoir une vision globale du métier et d’acquérir ce « quelque chose » qui donnera du sens à leur vocation.
1ere partie L' ECOLE : PRINCIPES POUR UNE INSTITUTION
Dans cette première partie, l’auteur va énumérer une série de principes qui fixent les finalités de l’Ecole et qui donnent du sens à l’action quotidienne. L’auteur propose à la fin de chaque chapitre trois questions pour prolonger la réflexion individuelle ou collective et une bibliographie pour aller plus loin.
Selon lui, l’Ecole est bien plus qu’un service public, c’est une institution inscrite dans une démocratie. Elle éduque et enseigne aux enfants pour qu’ils puissent prendre part à la vie démocratique. En tant qu’espace public, l’Ecole exclu le communautarisme, la violence, prone le respect, rassemble et résiste à la puissance des opinions. . L’Ecole est laique et combat toute forme d’emprise sur les esprits, de la religion à la télé ! Néanmoins, il est nécessaire de réinstituer les règles de l’Ecole et faire en sorte que ses acteurs incarnent au quotidien les principes qui l’inspirent. Sa mission est de transmettre aux jeunes générations les moyens d’assurer leur avenir et l’avenir du monde. Les apprentissages y sont obligatoires, progressifs et exhaustifs tout en se refusant de n’exclure personne du processus de transmission (principe d’éducabilité : tout être humain est éducable). Son principe d’universalité est incompatible avec une quelconque homogénéité idéologique,sociologique, psychologique ou intellectuelle. L’exigence de justesse, de précision et de vérité est au cœur du fonctionnement scolaire (ce ne sont pas les rapports de force qui font loi). Parce que l’Ecole n’est pas une entreprise, il est plus important de comprendre que de réussir. C’est un lieu où l’on peut se tromper sans risque. L’Ecole doit etre capable de trouver ses propres recours de remédiation face à la floraison des autres recours du marché de « soutien scolaire ». Enfin, l’Ecole doit à la fois domestiquer et émanciper l’élève : le maître est celui qui lie l’enfant au monde, qui le délit de son assujettissement au monde dans l’espoir que l’adulte naissant se relie ensuite à d’autres pour faire avancer l’humanité en lui et dans le monde (citoyenneté solidaire).
2eme partie LE MAITRE : TENSIONS POUR UN METIER
L ’éducateur doit faire face à des exigences contradictoires qu’
il ne faut pas éliminer mais utiliser et entraîner dans son travail (ex: « Aide-moi à faire tout seul »). Il faut penser ensemble sans incohérence deux idées pourtant contraires. En voici quelques unes :
* Educabilité et liberté: Comment concilier le principe d’éducabilité sans forcer l’élève à apprendre ?
* Transmission programmatique et respect des intérêts de l’ élève : Comment concilier des savoirs imposés par un programme et l’aléatoire intérêt des élèves ?
* Respect préalable de l' ordre scolaire et découverte progressive de la loi : Comment concilier une soumission nécessaire au règlement de l’Ecole et former les élèves à devenir des citoyens ?
* Accompagnement rigoureux et autonomisation nécessaire. Comment rendre l’enfant autonome en respectant et accompagnant les étapes de son développement ?
* Les groupes de travail: Faut-il des groupes homogènes ou hétérogènes ?
* Fiche de préparation: L’enseignant doit il tout planifier ou improviser ?
* Obligation de résultats et obligation de moyens: Faut il se préoccuper des résultats ou pas du tout ?
* Maitrise des savoirs à enseigner et réflexion pédagogique: Le maître doit il maîtriser parfaitement les contenus d’enseignement ou se préoccuper d’abord de la pédagogie ?
TROISIEME PARTIE: LA CLASSE: REPERES POUR UNE PRATIQUE
Les repères sont les jalons permettant de s’orienter. L’utilisation des repères suppose que l’on dispose d’abord d’une boussole et d’un cap ( les finalités ) sans oublier de tenir compte des vents et des courants (les tensions) et d’
éviter les esquifs (les dérives). Comme souvent, Philippe Meirieu utilise une comparaison pour définir et proposer des repères concrets pour une gestion de classe cohérente avec les principes de l’Ecole.
Afin de permettre à chacun d’apprendre, la classe est organisée comme un « espace hors menace » en y interdisant la violence physique et verbale, de l’insulte et de la moquerie.
Les temps et les lieux sont spécifiés et correspondent à des activités à mettre en œuvre et à des comportements attendus clairement identifiés. L’auteur propose ainsi d’afficher l’emploi du temps hebdomadaire avec des codes de couleur et des symboles pour chaque activité, d’utiliser des panneaux identifiant les différentes manières de travailler (une classe à l’écoute d’un interlocuteur unique, une situation de dialogue ou de débat où chacun peut s’exprime à son tour, une classe ou chacun travaille seul à son bureau et en silence, des élèves en petits groupes ), de mettre à disposition la liste du matériel nécessaire pour commencer une activité, d’expliciter le type d’attention exigée pour une activité, de faire reformuler les consignes, de rappeler de manière insistante les objectifs d’apprentissages.
Les rituels voient leur importance confirmés et doivent doivent être assumés collectivement par toute l’école et décidé au conseil d’école en début d’année.
Les objets de savoir résistent à la toute-puissance de l’imaginaire, se constitue comme une réalité extérieure au sujet et lui permet de s’exprimer « à son propos ». La présence et l’arbitrage des objets permettent de dépsychologiser la relation pédagogique, régulent l‘affectivité ; ils lestent les conflits d’opinions, permettent des débats centrés sur la vérité scientifique et confèrent à la parole du maître sa véritable autorité. Ainsi . le maître ne doit pas se contenter d’enseigner « la vérité » mais aussi son « rapport à la vérité ». Car si la vérité est enseignée comme quelque chose que l’on cherche et non comme quelque chose que l’on a , l’élève immédiatement vibre autrement. Le maître doit oser avouer une approximation ou une erreur, les corriger aux yeux de tous au lieu de tenter de les dissimuler et ne jamais employer l’argument d’autorité (« C’est vrai parce que je le dis »). Il doit multiplier les occasions de travail documentaire.
Le projet est un moteur; il doit être exigeant et de qualité (« la pédagogie du chef-d’œuvre) , doit aller dans le sens de l’intérêt de l’élève. Il n’est pas une fin en soi mais un moyen pour évaluer les objectifs véhiculés par la tâche. Les compétences travaillées doivent être ensuite réinvestient dans une tache nouvelle et plus complexe.
L’évaluation n’est pas conçue pour mettre chaque élève en rivalité avec les autres mais lui permettre de se donner des défis à lui-même et les surmonter.
Le travail de groupe doit être organisée de telle manière que chacun participe de manière efficace et complémentaire.
Le travail différencié consiste diversifier les activités de telle manière que chacun soit, guidé dans ses apprentissages et accompagné dans l’accession à son autonomie. Le maitre prend chaque élève là où il est , et fait alliance avec lui pour l’aider à se dépasser et à progresser.
Les sanctions contribuent non à exclure de la classe mais à y intégrer : elles reconnaissent à l’élève la responsabilité de ses actes et, en même temps, lui permettent de revenir dans le collectif dont il s’est lui-même exclu.
CONCLUSION: CINQ CHANTIERS POUR L’ECOLE
Philippe Meirieu prend position sur les problématiques actuelles.
La dérive des continent scolaires : l’auteur s’interroge sur une perversion des valeurs de la République à savoir l’accroisseme des inégalités entre établissements « difficiles » et établissements« refuges - privilégiés ». Il faudrait qu’une politique de la ville volontariste casse progressivement les ghettos sociologiques, voire ethniques en France. De plus, il trouve inacceptable d’envoyer les jeunes enseignants inexpérimentés et non volontaires dans les classes les plus difficiles.
La raffinerie scolaire : L’auteur déplore l’inégalité des niveaux et la filialisation prématurée des élèves. Il veut remettre l’égalité républicaine en vigueur dans notre système.
Le western scolaire: concernant la violence à l’école, l’auteur pense qu’on ne peut pas exiger de quelque un ce qu’on est chargé de lui apprendre et s’interroge sur les moyens de « construire la loi dans la classe » en s’inspirant de l’Education populaire.
Le désert scolaire: sur la motivation des élèves, l’auteur préconise de donner du sens aux savoirs scolaires.
La tour d’ivoire scolaire: L’Ecole doit sortir de sa bulle et travailler avec les parents.